
Gai, gai, marions-nous ! La sexualité et le mariage dans l'expérience psychanalytique
Les Journées d'étude de l'ECF, rendez-vous annuel au Palais des congrès de Paris, vers lequel convergent de nombreux collègues des ACF de toute la France et de la Belgique ainsi qu'un public à la fois enthousiaste et attentif, ont été une fois de plus le lieu d'un bouillonnement de témoignages, d'exposés et de conversations passionnantes. Les témoignages des Analystes de l'École, vibrants, émouvants, drôles parfois, nous ont enseignés sur ce que peut être le parcours d'une cure, le repérage de l’impact des mots sur le corps, les points de butée autour du non-rapport sexuel, et à la fin, la gaieté du savoir y faire avec le symptôme. Les invités non psychanalystes venus évoquer la question du mariage, chacun dans la singularité de son énonciation, nous ont ouvert des champs d'investigation du côté de l'archéologie (Bernard Sergent), de la mode et du cinéma (Jean-Paul Gaultier & Toni Marshall) ou encore de l'histoire du droit (Victoria Vanneau). Le tout dans une ambiance aussi concentrée que stimulante et joyeuse.
La première journée, consacrée aux ateliers cliniques, fourmillait de cas relatifs à des situations liées au mariage : les séparations, les infidélités, les perversions, les enfants de la désunion, le partenaire-analyste, le remariage, etc. Notre collègue Valérie Bussières présentait un cas dans l'un de ces ateliers et témoigne ici du parcours qui a été le sien entre le désir d’y participer, issu de la conjonction entre le "bien-dire" d’une patiente et la thématique des Journées, et ce qui s'est dévoilé dans l’après-coup. Le temps de voir, le temps de comprendre, le temps de conclure...
Sophie Nigon
Voile là
Le bien-dire d’une patiente et la thématique des Journées "Le mariage et la sexualité dans l’expérience analytique" ont provoqué l’écriture. L’adresse à l’École pour une contribution aux 48e Journées s’oriente sur un point que Lacan indique dans l’"Acte de fondation" et que Miller discute dans son cours "Le Banquet des analystes" : "L’enseignement de la psychanalyse ne peut se transmettre d’un sujet à l’autre que par les voies d’un transfert de travail" 6. Entre la proposition du cas clinique et la présentation aux simultanées, il sera alors question d’un travail sur ce savoir de l’inconscient qui, par le truchement du transfert de travail, se dévoile. Ce transfert puise sa force chez Eros ainsi "c’est l’amour qui met au travail" 7.
Ce travail d’écriture et de réécriture dans l’ombre fut éclairé par une lectrice attentive aux effets de contrôle fulgurants. Si le transfert de travail oeuvre à la transmission du savoir analytique, il nécessite non pas un maître mais un travailleur décidé dont la boussole indique non pas l’amour de savoir mais le désir de savoir. Si l’angoisse le jour J s'est faite étonnamment absente et la présentation joyeuse, le temps de la discussion et de l’après ouvre aux questions, un "je ne sais pas" occupe alors toute la scène.
"Le point-origine à entendre, non pas génétiquement mais structurellement, quand il s’agit de comprendre l’inconscient, est le point-nodal d’un savoir défaillant 8". Le savoir se révèle troué. Le dévoilement du trou dans le savoir, véritable troumatisme, pointe le trauma de la langue. La parole ne peut tout dire. La psychanalyse se soutient du savoir que "ça rate 9". Ce ratage est la manifestation de l’impossible du rapport sexuel.
Si l’amour supplée au rapport sexuel, le mariage voile ce réel, alors gai gai, marions-nous !!!
Valérie Bussières